dimanche 29 avril 2018

Les aventures de la famille Troche - Partie IV : L'Eaulne et ses secrets...

Nous avons précédemment retrouvé la trace, au milieu du XVIIIe siècle, des membres de la famille Troche grâce à leurs signatures recueillies dans divers actes qui nous ont mené jusqu'au mariage de Jean Nicolas Troche et d'Anne Le Prince en 1748, suite à une relation cachée. Nous allons maintenant remonter le long de l'Eaulne aux origines des Troche et des familles qui leur sont liées, en passant d'une rive à l'autre. L'occasion de découvrir l'histoire oubliée de ces vallées mystérieuses qui regorgeaient autrefois d'églises...

Décidément, l'histoire de la famille Troche, dont descend l'une de mes ancêtres, se révèle riche en surprises de toutes sortes ! Très bientôt, l'un des hommes de cette famille au drôle de nom installée à Dieppe nous emmènera en voyage. Je ne vous en révèle pas plus pour le moment. La semaine dernière, nous sommes parvenus, en empruntant le sinueux chemin des signatures, à dénicher l'acte de mariage de Jean Nicolas Troche et d'Anne Le Prince et à déterminer les circonstances de cette union qui marque l'installation de la famille Troche à Dieppe, à la fin de la décennie 1740. Cela nous a également permis de prendre connaissance de trois éléments-clés, à savoir l'identité des parents, l'âge et les paroisses d'origine des époux. Il ne m'en fallait pas davantage pour me lancer corps et âme à la recherche des ancêtres de la famille Troche, le long de l'Eaulne.

Jean Nicolas Troche et Anne Le Prince se sont précipitamment mariés en janvier 1748, après la naissance de leur fils Jean Nicolas Charles, fruit d'une relation considérée à l'époque comme illégitime. Quelques mois plus tard, un autre mariage est arrangé à Sauchay, village situé près de Dieppe, entre les familles Troche et Le Prince. Les époux n'étaient que de jeunes adultes lorsqu'ils se sont connus, Anne Le Prince n'ayant pas même la vingtaine. Pour autant, à l'aube des années 1750, Jean Nicolas Troche est déjà orphelin de père et perd sa mère, Marguerite Le Moyne, en 1752. Je m'éloigne dès lors de Dieppe, à la recherche de son acte de baptême, conservé dans les registres du paisible Sauchay. Les quelques informations offertes par ce document en date du 6 avril 1724 ne font que confirmer ce qui est déjà connu. Jean Nicolas Troche a bel et bien pour parents Jean Troche et Marguerite Le Moyne, dont les noces sont encore fraîches.

Acte de mariage de Jean Troche et de Marguerite Le Moyne - 7 février 1723 - Sauchay-le-Haut - Archives de la Seine-Maritime
L'acte en lui-même ne diffère pas de la norme, n'apportant que d'élémentaires renseignements. Il permet toutefois d'aiguiller notre enquête selon deux pistes : Sauchay-le-Haut pour Jean Troche et Saint-Sulpice pour Marguerite Le Moyne. Une fois de plus, et cela n'est pas sans rappeler le précédent chapitre, l'intérêt de l'acte réside dans les signatures, et notamment celles des témoins, Adrien, Jean Ambroise Adrien et François Alix ou Alis. Ceux-ci vont jouer un rôle important par la suite. Intéressons-nous tout d'abord à l'épouse, Marguerite Le Moyne, native d'un village nommé Saint-Sulpice. J'ai naïvement cru, dans un premier temps, qu'il s'agissait de la commune de Saint-Sulpice-sur-Yères, réunie à celle de Saint-Martin-le-Gaillard.. N'y ayant rien trouvé de probant, je décide de m'en remettre à la carte de Cassini qui m'a souvent tiré de situations hasardeuses...

Saint-Sulpice-de-Bellengreville - Carte de Cassini - Géoportail - LIEN
Marguerite Le Moyne est en réalité native de Saint-Sulpice-de-Bellengreville, aujourd'hui réunie à Bellengreville, que l'on voit sur la carte au sud de Sauchay, dont elle est séparée par l'Eaulne. L'histoire de Saint-Sulpice est fort ancienne. J'ai lu quelques pages de l'Histoire communale des environs de Dieppe d'Alexandre Auguste Guilmeth, édition Delaunay, consultable à ce lien sur Gallica. En voici un passage : "Outre l'église, il y avait anciennement, à Saint-Supplix sur Elne [Eaulne], une chapelle dite de Notre-Dame ; cette chapelle était encore sur pied en 1485. - On a recueilli à Saint-Sulpice, dans l'ancien cimetière de cette paroisse, une grande quantité de poteries antiques, de médailles romaines, des hachettes en bronze, et, à quelques pas de là, deux cercueils en pierre calcaire des environs". A l'époque où Marguerite Le Moyne vécut dans cette paroisse, la population n'atteignait pas même les deux-cents habitants. Il y avait encore une chapelle dite de Veauvois, - littéralement la voie des vallons -, qui n'existe plus de nos jours.

Il est étonnant de retrouver autant de vestiges en un si petit lieu. En 1399, la paroisse ne comptait que dix-huit feux, selon la Mouture du Château d'Arques. Un autre détail attire immédiatement mon attention, à savoir la graphie "Saint-Supplix" ou parfois "Saint-Souplis" pour désigner Saint-Sulpice. Une ancêtre rouennaise, qui n'est pas liée aux familles Troche et Le Moyne, portait les deux variantes du nom - Supplix ou Souplis - dont l'origine, en dépit de mes recherches, m'était toujours inconnue. Or l'étymologie de ce nom pourrait provenir de la paroisse Saint-Sulpice... De drôles de noms... Je ne tarde pas à retrouver l'acte de baptême de Marguerite Le Moyne, facile à repérer dans de si courts registres, d'autant que j'en connaissais déjà la date approximative. Née le 22 janvier 1701, Marguerite est la fille de Guillaume Le Moyne et de Catherine Delamare. Au fil des pages, j'apprends que Catherine Delamare est décédée en août 1710. La famille vit alors à Pimont. Curieux d'en savoir davantage sur cet endroit, je consulte le dictionnaire topographique. Fief et ferme de Bellengreville, Pimont est déjà mentionné dans les années 1500. Je croyais au départ que la demeure de mes ancêtres était cachée dans la forêt d'Arques, à l'ouest de Saint-Sulpice, avant de m'apercevoir qu'elle était attenante à Sauchay. Pimont était aussi le nom du bois qui s'y trouvait, bien que je n'en aperçoive aucun symbole sur la carte de Cassini. Pourquoi mes ancêtres se rendaient-ils à la paroisse de Saint-Sulpice et traversaient-ils la rivière alors qu'il vivaient plus près de celle de Bellengreville ? Encore une facétie généalogique... A moins qu'il y ait eu deux Pimont...

Baptême d'Adrien Alix fils d'Adrien - Août 1712 - Saint-Sulpice-de-Bellengreville - Archives de la Seine-Maritime
Une nouvelle surprise m'attend, en août 1712. Une signature au nom de Jean Troche, sous l'acte de baptême d'un certain Adrien, fils d'Adrien Alix et de Marie Le Vilain. Il y a fort à parier qu'il s'agit de la même famille Alix présente au mariage Troche - Le Moyne une décennie plus tard. Serait-ce alors mon ancêtre Jean Troche qui était le parrain d'Adrien ? La même année, je découvre également que Guillaume Le Moyne s'est remarié avec une certaine Jeanne Lorin... Or je n'ai trouvé aucun remariage après le décès de Catherine Delamare, survenu en 1710. J'ai l'intuition qu'un autre lieu intervient dans toute cette histoire, mais lequel ? La famille Alix va de nouveau me livrer quelques indices... 

Remariage d'Adrien Alix et de Marguerite Le Moyne veuve Moisant - 1718 - Saint-Sulpice - Archives de la Seine-Maritime
Le 9 février 1718, Adrien Alix, veuf de Marie Le Vilain qui est décédée un an plus tôt, se remarie avec une certaine Marguerite Le Moyne, veuve de Pierre Moisan, originaire de la paroisse de Notre-Dame d'Envermeu, à l'est de Bellengreville, et qui surtout est la marraine de mon ancêtre elle-aussi nommée Marguerite Le Moyne. J'élabore peu à peu, à la lecture de ces éléments, une nouvelle théorie : et si Marguerite Le Moyne, veuve Moisant, était la soeur de Guillaume Le Moyne ? Cela expliquerait partiellement le rôle de la famille Alix qui connaîtrait ainsi à la fois les Troche et les Le Moyne. Il ne reste plus qu'à vérifier tout cela à Envermeu, ville célèbre pour les trésors historiques qui y ont été retrouvés. L'ouvrage intitulé Guide à Dieppe et aux environs, éditeur L. Abbema, consultable sur Gallica, décrit fort bien le trajet entre la forêt d'Arques et Envermeu. En voici un extrait : "[...] On reprend ensuite la route d'Envermeu qui presque partout est à mi-côte : à gauche la terre s'élève à pic, et de l'autre côté de la verdoyante vallée que l'on domine, la forêt d'Arques découpe en festons le sommet du coteau. On arrive ainsi par une route magnifique au bourg d'Envermeu, un des plus considérables de nos environs. [...]" L'imposante et majestueuse église Notre-Dame d'Envermeu ne tarde pas à me livrer ses secrets.

Acte d'inhumation de Guillaume Le Moyne - Notre-Dame d'Envermeu - Septembre 1717 - Archives de la Seine-Maritime
Transcription : "Ce douzième [huitième étant barré] septembre a été inhumé dans l'église de cette paroisse Guillaume Le Moyne, laboureur, sindic de cette paroisse, mort hier à midi, âgé d'environ quarante-huit ans, après avoir reçu les saints sacrements, en présence de Pierre Moysant, son frère en loi, et Jean Vain, autre frère en loi, et Joseph Lorin, son neveu. Signatures." Frère en loi signifie tout simplement beau-frère. Tout concorde ainsi avec ma théorie initiale. Les registres de Notre-Dame d'Envermeu regorgent de renseignements sur la famille Le Moyne et peu à peu, la structure familiale prend forme. Guillaume Le Moyne avait quatre soeurs. L'ainée, Catherine, et la dernière, Anne, ont épousé des Lorin et Joseph Lorin est sûrement issu de l'un de ces mariages vu qu'il est le neveu de Guillaume. Une autre soeur, Jeanne, est l'épouse de Jean Vain, cité dans l'acte, et enfin, la quatrième soeur, Marguerite, que nous connaissons déjà, est l'épouse de Pierre Moisant puis d'Adrien Alix. Guillaume et ses soeurs sont quant à eux les enfants de Denys Le Moyne, syndic d'Envermeu, et de Jeanne Ligois, son épouse. L'acte de remariage de Guillaume avec Jeanne Lorin, qui me faisait défaut, est également inscrit dans les registres de Notre-Dame, en date de mai 1711.

Acte de baptême de Denys Le Moyne fils - Octobre 1699 - Saint-Sulpice - Archives de la Seine-Maritime
Une autre surprise m'attend. Catherine Delamare n'est pas la première épouse de Guillaume Le Moyne qui avait épousé quelques années plus tôt, en 1697, une certaine Marguerite Le Moyne - qui n'est pas sa soeur, rassurez-vous - à Envermeu. Tous deux se sont installés à Pimont l'année qui suivit. Ils n'eurent qu'un fils en 1699, mort peu de temps après sa naissance, et dont l'acte de baptême ci-dessus confirme une fois de plus les liens familiaux précédemment énumérés. En voici la transcription : "Le [20 ou 22 ?] d'octobre 1699 a été baptisé Denys Le Moyne fils de Guillaume et de Marguerite Le Moyne, né du même jour, son parrain Denys Le Moyne, sa marraine Anne Le Moyne." Marguerite Le Moyne meurt quelques jours après la rédaction de cet acte, probablement des suites de son accouchement. Guillaume Le Moyne se remarie dans la foulée avec Catherine Delamare, originaire de Villy-sur-Yères, fille d'Adrien Delamare et de Marguerite Conseil ou Consis. La mère de Guillaume, Jeanne Ligois, meurt en 1709 et son père, Denys, se remarie immédiatement avec une femme bien plus jeune que lui...

Tout semble décidément être histoire de remariage chez les Le Moyne ou Lemoine... Maintenant que nous avons reconstitué cette famille, intéressons-nous à son histoire et à la principale profession qu'occupèrent ses membres. Guillaume et Denys Le Moyne ont tous deux été syndics de la paroisse Notre-Dame d'Envermeu. Que cela signifie-t-il ? Les Anales de Normandie d'André Dubuc, consultables sur Persée, m'ont permis de me faire une idée plus précise de la charge de syndic dans la généralité de Rouen.

En Normandie, le rôle des syndics n'était pas des moindres puisque les villes et leurs paroisses n'eurent pas de municipalités constituées avant 1787. Le charge est mentionnée dès le XIVe siècle et consiste, à ses débuts, en la représentation des intérêts propres à une communauté qui n'est pas forcément religieuse. Les syndics seraient les équivalents des consuls du sud de la France. Sachant que j'ai eu des ancêtres consuls dans des régions n'appartenant pas au Midi, cela me paraît quelque peu bizarre. Je souhaite surtout connaître les compétences et les prérogatives propres à cette charge qu'occupèrent Guillaume Le Moyne et son père Denys. Au début du XVIIIe siècle, les syndics étaient notamment chargés du recouvrement du dixième de la taille à l'élection de l'Intendance. En deux mots, une histoire d'impôts, la taille étant un impôt initié suite à la Grande famine de 1709 et à la situation économique catastrophique engendrée par la Guerre de Succession d'Espagne. Ce prélèvement, s'élevant à hauteur d'un dixième, concernait l'ensemble des revenus. Envermeu était comprise dans une élection – une circonscription financière – où l'Intendant royal déterminait la répartition de l'impôt avec l'aide des élus locaux. Chaque province détenait ainsi ses propres règles. L'une des particularités de celles de la généralité de Rouen réside dans le fait que les syndics se sont vus attribuer un rôle plus important même que celui du curé.

Si je m'en réfère à ces Anales fort bien renseignées, les syndics étaient en théorie élus tous les trois ans sous le porche de l'église, après la grande messe, par les paroissiens, mais certains conservèrent leur place des décennies durant. Après tout, j'ai rarement vu un politicien ne pas désirer deux mandats. Il y aurait prétendument eu peu de gens aptes à exercer cette profession qui requérait la maîtrise de l'écriture, de la lecture, du calcul ainsi que la propriété. Ces conditions n'étaient pour autant qu'arbitraires, du moins en ce qui concerne le niveau d'instruction... A priori, les syndics étaient obligatoirement propriétaires de leurs biens. Au début du XVIIIe siècle, Guillaume Le Moyne était laboureur. Cela signifie qu'il possédait ses animaux, son matériel et qu'il tirait des revenus de sa propre terre. J'en conclus alors que sa demeure de Pimont lui appartenait. Entre 1692 et 1702, la charge est réglementée à coup d'édits royaux, qui lui confèrent un statut perpétuel, voire héréditaire. Ces charges s'achetaient relativement cher à ce moment si je ne m'abuse. Il paraît même qu'elles se transmettaient dans les héritages. Cela explique peut-être comment Guillaume Le Moyne a accédé à ce poste après la mort de son père Denys. Ironie du sort, il meurt peu de temps après avoir obtenu la charge, qu'il n'a ainsi pu conserver bien longtemps, à l'inverse de son père, qui, pour l'anecdote, ne savait pas écrire... Les syndics n'étaient par ailleurs pas obligés de résider dans la paroisse concernée, mais Guillaume le Moyne préféra visiblement s'installer à Envermeu où vivaient ses beaux-frères. Cette profession semble plutôt agréable pour l'époque dans la mesure où elle présente quelques avantages particuliers, dont l'exemption "de logement des gens de guerre, des collectes, des tutelles et curatelles, des corvées royales, du service de guet et de garde sur les côtes maritimes”. 

Guillaume Le Moyne fut sans doute l'un de ces derniers privilégiés, et c'est le cas de le dire. Dès la fin des années 1715, le caractère perpétuel de la charge est annulé et de nouvelles conditions à son accessibilité sont décidées. Je pense maintenant pouvoir répondre à la question que je me suis précédemment posée : Marguerite Le Moyne, l'épouse de Jean Troche, tient possiblement sa maîtrise de l'écriture de son père. Ces éléments laissent à penser que la famille Le Moyne était proche de l'Église catholique, car si j'en crois ce que j'ai pu lire par-ci par-là, les curés gardaient une certaine influence lors de l'élection. J'ai en tout cas rarement vu une si grande concentration d'églises pour de telles vallées. Je n'ai pas retrouvé de traces de Denys Le Moyne et de Jeanne Ligois à Envermeu antérieures à la fin des années 1660, bien qu'il existe un registre couvrant, dans le désordre, la période 1575-1672. Un autre remonte même avant 1550. J'ai lu, dans un extrait de document, qu'il y avait déjà à Envermeu, vers le XVIème siècle je crois, un syndic nommé Denys Le Moyne. Est-il apparenté à mes ancêtres ? Depuis quand exercent-ils cette profession ? Une autre interrogation perdure : Jean Troche mentionné en 1712 dans les relations de la famille Alix et par extension des Le Moyne est-il mon ancêtre ?
 
Deux signatures du Jean Troche de 1712 ainsi que celle, connue, de Jean Troche époux Le Moyne - Archives de la Seine-Maritime
Retour en 1712 au baptême d'Adrien Alix, fils d'Adrien et de Marie Le Vilain, à Saint-Sulpice. Le parrain, un certain Jean Troche, appose sa signature au-dessous de l'acte dont je possède deux variantes puisqu'il y a plusieurs registres pour cette année-là à Saint-Sulpice. Vous souvenez-vous du précédent chapitre, intitulé Jeux de signatures ? Et bien rebelotte ! Comparons les deux variantes de la signature du Jean Troche de 1712 - partie supérieure - avec celle de Jean Troche époux Le Moyne - partie inférieure -. On s'aperçoit très vite que Jean Troche époux Le Moyne écrivait de manière plus oblique, ses lettres penchent vers la droite et la boucle de son "J", arrondie, est reliée au "e". Il ne marquait par ailleurs aucun espace entre "n" le Jean et le "t" de Troche. Celui de 1712, au contraire, met bien un espace entre son prénom et son nom, écrit de manière plus droite voire même en penchant vers la gauche, et la boucle de son "J' n'est ni complètement fermée ni reliée au "e". Pour moi, ces signatures ne sont peut-être pas les mêmes et il y aurait deux Jean Troche. Pour autant, il est sûr et certain que les familles Troche et Alix se connaissent comment en témoignent les signatures de divers membres de la famille Alix aux deux mariages de Jean Troche, en 1721 et en 1723, dont je vous ai parlé au début de cet article.


Je crois d'ailleurs ne pas l'avoir mentionné, mais avant d'épouser Marguerite Le Moyne en 1723, Jean Troche s'était déjà marié une fois à Sauchay-le-Haut, en 1721, avec Marie Delabos, qui meurt en 1722 après avoir donné naissance à une unique fille, Marie-Anne. Ce remariage quasi-immédiat - comme il est coutume dans cette famille - m'a laissé quelque peu perplexe quant à l'âge de Jean Troche. Et de ce fait, quant à ma précédente conclusion selon laquelle il y avait deux Jean Troche... Car si Jean Troche époux Delabos puis Le Moyne était suffisamment âgé, il pourrait très bien être celui présent au baptême d'Adrien Alix en 1712. Sa signature n'aurait fait que varier entre-temps. J'en arrive donc maintenant à l'inverse de ma théorie initiale : un seul et unique Jean Troche aurait signé à différentes périodes de sa vie. Ma seule certitude est une nouvelle fois le lien avec la famille Alix, et notamment avec Adrien Allix, qui est devenu l'oncle par alliance de Marguerite Le Moyne. Il y a de quoi se faire des noeuds au cerveau avec ces trois familles emmêlées les unes aux autres : Troche, Alix et Le Moyne...

Même si à ma connaissance il n'y a qu'un seul Jean Troche qui vivait à Sauchay-le-Haut vers 1720, je ne compte pas me lancer à la recherche hasardeuse de son acte de baptême sans en connaître la datation estimative. En généalogie, il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué. Aussi, pour identifier de manière sûre l'année de naissance de Jean Troche, il ne me reste qu'une seule solution qui consiste à retrouver son acte d'inhumation, en espérant que son âge y soit indiqué. Il est dès lors nécessaire de reconstituer, page après page, la structure de la famille Troche, et tenter ainsi de cerner l'année de décès de Jean Troche. Le fils ainé de Jean Troche et de Marguerite Le Moyne, né en 1724 et nommé Jean Nicolas, est mon ancêtre dont je vous ai déjà parlé. Suivent Jean-François Alexis en 1725 ; Charles en 1727 ; Antoine en 1729 ; Pierre en 1731 et Marie-Marguerite en 1735.  

Acte de baptême de Marie-Marguerite Troche - 13 juin 1735 - Sauchay-le-Haut - Archives de la Seine-Maritime
L'acte de baptême de Marie-Marguerite Troche, dernière fille connue de Jean Troche et de Marguerite Le Moyne, est décisif. En voici la transcription : "Ce 13e jour de juin 1735 a été baptisée par moi vicaire de cette paroisse une fille née du légitime mariage d'entre feu Jean Troche et Marguerite Le Moyne, elle a été nommée Marie-Marguerite par Jacques Benet et Marie Troche, ses parrains et marraines qui ont avec nous signé." Ainsi, Jean Troche est décédé lorsque sa fille naît en juin 1735. Il suffit de faire le calcul - que j'ai au passage dû refaire trois fois et mettre à l'écrit parce que je me suis embrouillé en comptant - pour délimiter, en considérant que Marguerite Le Moyne était une épouse fidèle, ce qu'elle semble avoir été puisqu'elle ne s'est jamais remariée contrairement à son père et à son grand-père, un intervalle de mois au cours duquel Jean Troche est certainement décédé. Ici, cela donne au plus large une période septembre 1734-juin 1735. Or, deux épines généalogiques viennent compliquer quelque peu la situation...

Il n'y a premièrement aucune trace de Louis Charles Troche, l'un des fils de Jean Troche et de Marguerite Le Moyne, qui est pourtant mentionné, à Dieppe deux décennies plus tard, dans de nombreux actes concernant la famille Troche, comme étant bien bien le frère de Jean Nicolas et des autres, né vers 1733, et l'époux de Marie-Françoise Renié à partir de 1755... Il ne s'agit pas non plus de Charles qui lui épouse Catherine Le Prince et meurt en 1749. La paroisse d'origine de Louis Charles Troche n'est en plus pas indiquée dans son acte de mariage, ce qui est bien embêtant pour le coup. La seconde épine est directement liée à Jean Troche. Je n'ai pas retrouvé son acte d'inhumation dans les registres de Sauchay-le-Haut, même en élargissant au-delà du raisonnable mon intervalle. Il est forcément décédé ailleurs, mais où ? Saint-Sulpice ? Envermeu ? Dieppe... ?

Acte de mariage Alix / Le François - 10 novembre 1732 - Envermeu Notre-Dame - Archives de la Seine-Maritime
Notre-Dame d'Envermeu m'est une nouvelle fois d'une aide précieuse. Si elle ne m'offre pas l'acte d'inhumation de Jean Troche, elle m'indique toutefois sa présence au mariage de Jean Ambroise Adrien Alix, fils d'Adrien Alix et de Marie Le Vilain que nous avons déjà rencontrés plus tôt. Le mariage a lieu en novembre 1732. En voici la transcription : "Le dix novembre 1732, après la publication de trois bans de mariage faits en cette église par trois différents jours de dimanche et faite sans opposition ni empêchement tant civil que canonique entre Jean Adrien Ambroise Alix, fils d'Adrien et de défunte Marie Le Vilain, d'une part, et Marie-Françoise Le François d'autre part, [...], signatures.". Devinez qui est présent, entre autres, à cette union. Jean Troche, évidemment, alors neveu par alliance d'Adrien Alix, ce dernier, veuf de Marie Le Vilain, s'étant remarié douze auparavant avec Marguerite Le Moyne. Divers membres de la famille Vain, époux et fils de Jeanne Le Moyne, sont également présents. Ces familles sont décidément très liées.

Je suis surpris par la signature de Jean Troche. Si l'on observe le "j" du Jean, on s'aperçoit qu'il ressemble davantage à celui des signatures de 1712... Tant que je n'aurais pas retrouvé l'acte d'inhumation puis l'acte de baptême de Jean Troche, le puzzle sera incomplet... Je profite de ce détour par les registres de Notre-Dame d'Envermeu puis par ceux de Saint-Sulpice pour reconstituer la structure de la famille Alix. En résumé, ces recherches donnent la filiation suivante : Jean Ambroise Adrien Alix, né en 1709, est le fils d'Adrien Alix (1670-1733), lui-même fils de François Alix (1647-1730). Ils assistent tous les trois au mariage de Jean Troche et de Marguerite Le Moyne en 1723 si je m'en réfère aux signatures. Cependant, l'acte d'inhumation de Jean Troche manque toujours. Une fois de plus, tout est histoire de lieux et de paroisses. Souvenez-vous du précédent chapitre, au cours duquel nous avons retrouvé l'acte de mariage de Jean Nicolas Troche et d'Anne Le Prince à Dieppe Saint-Jacques alors qu'ils ont presque toujours vécu à Dieppe Saint-Rémy. Avez-vous une idée de la paroisse où se cache l'acte d'inhumation de Jean Troche ? Deux petits indices : vous connaissez déjà une partie de ce nom, quant à l'autre, elle tire son nom du relief. La réponse figure sur la carte de Cassini.

Baptême de Marie-Magdeleine Troche et inhumation de Jean Troche - 1734 - Sauchay-le-Bas - Archives de la Seine-Maritime
Sauchay-le-Bas ! Il y a effectivement deux Sauchay, l'un haut, l'autre bas, et du coup deux paroisses. Il ne s'agit pas d'un acte mais de deux que je repère grâce à la signature de Jean Troche. Le premier, en date du 16 septembre 1734, est le baptême de Marie-Magdeleine Troche, une autre fille de Jean Troche et de Marguerite Le Moyne, dont je n'avais alors pas connaissance. Le second, l'inhumation de Jean Troche, est le plus important, car il indique l'âge de ce dernier à son décès le 3 octobre 1734, à savoir environ trente-cinq ans. Cela induit une naissance et un acte de baptême entre 1698-1700, et logiquement à Sauchay-le-Haut, puisqu'il s'agit de la paroisse d'origine des Troche.

Je ne sais pas s'il en est de même pour vous, mais l'existence de deux paroisses de Sauchay, l'une d'en haut, l'autre d'en bas, m'intrigue. L'ouvrage dont je vous ai déjà parlé plus tôt, l'Histoire communale des environs de Dieppe d'Alexandre Auguste Guilmeth, édition Delaunay, consultable à ce lien, m'apporte de nouveaux éléments fort intéressants sur l'histoire de Sauchay. Cette commune est située sur une plaine élevée qui est sans doute l'une des fameuses collines auxquelles fait référence le nom de la chapelle disparue de Saint-Sulpice, à savoir la chapelle de Veauvois. Disparue, c'est du moins ce qui est écrit dans le livre. Il y a peut-être encore des vestiges de cet édifice ancien. A l'origine, le village portait le nom de Notre-Dame du Bosc et s'étendait d'une part sur une vaste plaine aux alentours et d'autre part en contrebas des collines, jusqu'aux rives de l'Eaulne. Cette situation géographique particulière est à l'origine des deux noms de la commune dont la partie haute a pris le nom de Sauchay-le-Haut, et la partie basse, près de la rivière, de Sauchay-le-Bas. Je suis de nouveau surpris par la profusion d'églises et d'édifices religieux dans ces vallées. Sont mentionnées à Sauchay partie haute et partie basse confondues, dans le même ouvrage que j'ai cité plus-haut, l'église paroissiale dédiée à la sainte Vierge, la chapelle de Fricaut, le prieuré de Saint-Nicolas-des-Rendus et l'étrange église de Sauchay-le-Bas. Cette petite église, bien que décorée d'éléments datant de la Renaissance, abrite un choeur et une crypte du XIe siècle. Près de toutes ces églises, à deux pas du village d'Ancourt où se situait la place forte de Pontrancard assiégée par les anglais lors de la Guerre de Cent Ans, a été retrouvée "une quantité considérable de briques, de tuiles et de poteries romaines", pour reprendre les mots du livre.

Acte de baptême de Jean Troche - 16 mai 1698 - Sauchay-le-Haut - Archives de la Seine-Maritime
C'est finalement à Sauchay-le-Haut que je retrouve l'acte de baptême de Jean Troche, en date du 16 mai 1698. Transcription : "Ce 16 mai a été baptisé par nous curé de la paroisse de Sauchay-le-Haut un enfant mâle né du même jour du légitime mariage d'entre Charles Troche et Marie Le Vilain, il a été nommé Jean par François Troche et Marie Bailly." Je peux enfin répondre à mes interrogations à propos des signatures de Jean Troche. Il me semble maintenant évident qu'il s'agit d'un seul et même Jean Troche, parrain du fils d'Adrien Alix, puis époux en 1723 de Marguerite Le Moyne, nièce d'Adrien. D'ailleurs, Jean Troche connaissait déjà la famille Alix avant d'épouser Marguerite Le Moyne, puisque Adrien Alix est déjà de témoin son premier mariage avec Marie Delabos en 1721. Cela signifie également que Jean Troche aurait été témoin à l'âge de quatorze ans, ce qui contrairement à ce que l'on pourrait croire, était courant à l'époque. Pour en savoir plus sur les parrains et les marraines, je vous invite à lire cet article de GénéaFrance. A la lecture de cet acte, un autre élément m'intrigue. La mère de Jean Troche et épouse de Charles Troche s'appelait Marie Le Vilain. Or, avant d'épouser Marguerite Le Moyne, Adrien Alix était l'époux d'une certaine Marie Le Vilain, avec qui il s'est marié en 1707 à Sauchay. S'agirait-il de la même Marie Le Vilain ? Que nenni, puisque l'acte de décès de Marie Le Vilain épouse Alix indique qu'elle est née à la fin des années 1680. Il s'agit en fait d'un cas d'homonymie. Il se peut cependant que les deux Marie le Vilain aient été apparentées et que les relations entre Adrien Alix et Jean Troche viennent de là...

Acte de mariage Troche / Le Vilain - Automne 1696 - Sauchay-le-Haut - Archives de la Seine-Maritime
Les noces entre Charles Troche et Marie Le Vilain ont également lieu à Sauchay-le-Haut, au cours de l'année 1696, d'après l'acte ci-dessus dont voici la transcription : "après avoir publié trois dimanches consécutifs les bans de mariage entre Charles Troche et Marie Le Vilain, ne s'étant trouvé aucun empêchement au dit mariage, nous avons [sommes] passé[s] à la célébration du dit mariage, en présence des parents soussignés." Vous le remarquez sûrement, il n'y pas de date mentionnée dans cet acte. J'ai donc dû, même s'il s'agit d'un détail de moindre importance, vérifier les dates des actes le précédant et le suivant, ce qui donne l'automne 1696 comme intervalle. L'autre détail précieux de l'acte est la signature de Charles Troche. Ce dernier savait ainsi écrire, comme son fils Jean, à qui il n'a cependant pu transmettre ce savoir...

Acte d'inhumation de Charles Troche - 22 août 1699 - Sauchay-le-Haut - Archives de la Seine-Maritime
Alors que Jean vient à peine de naître, Charles Troche meurt à Sauchay-le-Haut le 21 août 1699, à l'âge de quarante ans tout de même. Son mariage avec Marie Le Vilain est en conséquence un probable remariage. Plus intéressant encore, le père de Charles, un certain Jean Troche, est présent au moment du décès... Transcription de l'acte : "ce 22 août [1699] a été inhumé par nous curé de la paroisse de Sauchay-le-Haut dans notre église paroissiale de Sauchay Charles Troche, fils de Jean, mort du jour précédent, âgé d'environ quarante ans, en présence des parents soussignés". On remarque que Jean Troche père ne sait pas signer, il ne peut donc être celui qui est présent au baptême d'Adrien Alix fils. Quant à Jean Troche fils, époux de Marguerite Le Moyne, il n'a malheureusement pas connu son père mais probablement son grand-père. Or, ni ce dernier ni Marie Le Vilain ne savaient écrire. Qui a donc enseigné l'écriture à Jean Troche fils ? Je doute fortement qu'il y ait eu une école au début du XVIIIe siècle à Sauchay...

Montage représentant le concept de la généalogie triangulaire - à partir de la Carte de Cassini -
Nous arrivons ainsi au terme de cet article retraçant de laborieuses recherches menées d'une rive à l'autre de l'Eaulne, afin de situer la famille Troche, et en particulier l'ascendance de Jean Nicolas Troche, en ce début du XVIIIe siècle, quelques décennies avant qu'ils ne s'installent à Dieppe où nous repartirons la prochaine fois. Les liens alambiqués entre les familles Troche, Alix et Le Moyne me paraissent ainsi partiellement éclaircis. Cela nous aura permis de découvrir quelque peu l'histoire de trois communes : Saint-Sulpice-de-Bellengreville, Envermeu et Sauchay. J'avais d'ailleurs pensé intituler cet article "généalogie triangulaire", en raison des liens de parenté triangulaire entre les Troche, les Le Moyne et les Alix, et du triangle formé  par les villages de Sauchay et de Saint-Sulpice avec la ville d'Envermeu. Et puis finalement, "l'Eaulne et ses secrets" m'a paru plus approprié.

Ascendance partielle de Jean-Nicolas Troche (1724-1772) époux d'Anne Le Prince - Recherches personnelles
Afin de mieux vous repérer dans cet article sans doute aussi alambiqué que les familles qu'il présente et leurs divers liens de parenté, je vous invite à lire les trois précédents chapitres de la chronique consacrée à la famille Troche, dont je descend par Juliette Troche, qui est la grand-mère de la grand-mère de mon grand-père, et l'arrière petit-fille de Jean Nicolas Troche et d'Anne Le Prince. Voici les trois premiers chapitres :
  •  I- Du pays de Caux au littoral Dieppois - introduction à partir de mon ancêtre Juliette Troche, née en 1813. L'article tourne autour des erreurs qui ont été diffusées sur l'ascendance de son père, et sur mes recherches pour retrouver son grand-père paternel Charles Antoine Troche, né à Dieppe en 1759 et décédé en 1838.
  • II- De passage à Dieppe - après avoir retrouvé la trace de Jean Nicolas Troche et d'Anne Le Prince, les parents de Charles Antoine Troche, nous sommes partis à la découverte des vieilles rues de Dieppe, ainsi que des anciennes fortifications de la ville. Un article complémentaire a été publié à propos de l'hiver 1709 à Dieppe, à partir des notices historiques de la paroisse Saint-Rémy.
  • III - Jeux de signatures - les recherches se compliquent et seules leurs signatures me permettront de retrouver Jean Nicolas Troche, sa mère Marguerite Le Moyne et son épouse Anne Le Prince, dans le Dieppe du XVIIIe siècle. L'article, qui s'achève avec la découverte des circonstances particulières du mariage Troche / Le Prince en 1748, nous fait par ailleurs découvrir les paroisses de Sauchay et d'Offranville.
Dans ce quatrième article intitulé l'Eaulne et ses secrets, j'ai réalisé une démarche particulière pour retrouver les origines des familles Troche et Le Moyne à partir de la famille Alix qui leur est commune, ainsi que de trois lieux, à la fois propres et communs à chacune de ces familles. Autrement-dit, il s'agit d'une généalogie triangulaire qui fait des allers-retours entre Envermeu, Sauchay et Saint-Sulpice-de-Bellengreville. J'ai pu cerner de manière plus précise la situation de ces familles dans la première moitié du XVIIIe siècle, par le biais de la charge de syndic exercée par certains ancêtres, ainsi que leur niveau d'instruction, au travers de leurs signatures. Les origines antérieures de ces familles ne sont pas encore connues car je ne m'y suis pas penché, même si les registres remontent avant 1550. Il y a encore beaucoup à chercher, sans compter les sources notariales qui peuvent offrir de nouveaux renseignements.

Ceci-dit, les deux prochains épisodes de la chronique consacrée aux aventures de la famille Troche se dérouleront entre les années 1750 et 1850. Si tout se passe comme prévu, le sixième chapitre devrait nous emmener bien loin de Dieppe... Même si j'ai peu d'ancêtres originaires de Normandie, les archives de la Seine-Maritime numérisées m'ont permis d'amasser de nombreuses informations. J'ai ainsi décider d'y consacrer une chronique entière. Je vous propose, pour conclure ce quatrième épisode, de découvrir quelques-unes des nombreuses découvertes qui ont été faites dans les vallées et les communes dont je vous ai parlé ainsi qu'une carte accessibles en ligne grâce aux archives de la Seine-Maritime et la BNF :
  • dessin d'un squelette de guerrier découvert à Envermeu - Lien ;
  • collier et bracelet découverts à Envermeu - Lien
  • Janval, objets en bronze découverts à Envermeu - Lien.
 
Le Gouvernement général de Normandie - 1719 - Paris - Hyacinthe Jaillot - Provient de la BNF (Gallica) - Lien

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